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Autonomie & Prise de Confiance

Vol N°8, 24 Juin 2024 :


Voilà près de 20 jours que je n'ai pas volé, cloué au sol par une météo maussade et un mois de Juin anormalement pluvieux. Les prévisions changent sans cesse, et les vols sont annulés à la dernière minute. Je prends donc mon mal en patience et pratique le "chair flying" en attendant des jours meilleurs ! (voir article précédent)

Quand la grisaille se dégage enfin, mon instructeur m'emmène à nouveau pour des tours de piste, et j'espère secrètement que je n'ai pas trop perdu la main depuis mon dernier vol, au début du mois. Pendant que le moteur chauffe, Michel en profite pour me faire un rappel sur l'importance du Briefing Décollage. Il vient de lire le bouquin "En Apesanteur", du pilote de chasse et spationaute Philippe Perrin, qui raconte notamment la quantité astronomique d'exercices de pannes qu'il a dû réaliser pour se préparer à son premier vol à bord de la navette spatiale. Cela représente des milliers d'heures consacrées uniquement à travailler des procédures d'urgences, au cas où le pire devrait arriver. Pourquoi me parle t-il de ça ? Et bien pour insister sur l'importance de connaître les gestes qui sauvent en cas de panne, mais surtout de bien en prendre conscience, de comprendre l'utilité de chaque procédure, et de savoir les adapter à la situation.

Mais au juste, le briefing décollage, c'est quoi ?

C'est un briefing qui est réalisé oralement par le pilote une fois que l'avion est prêt, juste avant de pénétrer sur la piste pour décoller. Il est énoncé à voix haute, pour rafraîchir notre mémoire à court terme avec des informations essentielles au bon déroulement du décollage, et en nous préparant à l'éventualité d'une panne au cours de cette phase critique du vol. 

Il est composé de deux parties :

Un rappel des informations utiles pour le décollage en fonction des paramètres du jour, par exemple : "On va décoller en 32 aujourd'hui, le vent est faible, avec une composante de travers venant de l'Est, donc on mettra du manche à droite. Vitesse de rotation : 110 km/h, montée initiale à 130 km/h, premier virage par la gauche, première altitude : 3 800 ft pour rejoindre le circuit."

Si on part en navigation, on peut aussi préciser le premier cap à suivre, et s'il y a une procédure spécifique pour le départ de l'aérodrome, ça peut être une bonne idée de la rappeler pour l'avoir bien en tête. C'est d'autant plus utile sur un aérodrome où on n'a pas l'habitude de voler, ça évite par exemple de faire un tour de piste du mauvais côté, par automatisme !

Ensuite, on fait un rappel des procédures en cas de panne au décollage :

"En cas d'incident avant rotation, j'interromps immédiatement le décollage. En cas de panne mineure après rotation, j'effectue un tour de piste adapté, par la gauche ou par la droite. En cas de panne majeure après rotation, je pousse le manche en avant pour atteindre 130 km/h, je me pose dans un cône de 30° gauche-droite, dans l'axe de la piste, avec pas plus de 10° d'inclinaison. Pas de demi-tour."

Mon instructeur insiste bien sur la prise de conscience qu'il faut avoir en énonçant la procédure. Il ne s'agit pas de répéter bêtement ces phrases par cœur, mais de visualiser dans son esprit les gestes à faire, en n'hésitant pas à associer le geste à la parole : pousser le manche en avant, pointer du doigt la graduation 130km/h sur le badin pour bien visualiser où elle se trouve, etc. Enfin, il m'explique qu'il ne faut pas hésiter à s'adapter à la situation : "Si tu vois que tu as suffisamment d'altitude, avec un champ sur ta droite qui serait parfait pour te poser, n'hésite surtout pas à pousser encore plus sur le manche pour atteindre 150 km/h, et pouvoir incliner jusqu'à 30° d'inclinaison sans danger afin de t'y poser."

Ces rappels bien en tête, on s'élance à nouveau pour ces éternels tours de piste à bord de notre fidèle DR400. Mes séances de "chair flying" ont bien portés leur fruit. Je me sens bien plus à l'aise qu'à mes débuts. Mes gestes me paraissent plus naturels, ils s'enchaînent avec une certaine fluidité que je n'avais pas la dernière fois, et surtout, je me sens beaucoup plus détendu. La concentration est toujours là, je ressens toujours cette petite pointe de stress bénéfique, qui aide à rester alerte, mais j'arrive désormais à me détacher de mon pilotage. Mon instructeur est particulièrement silencieux aujourd'hui, il fait quelques commentaires par moments, sur le paysage, ou pour raconter une anecdote, mais en ce qui concerne mon pilotage, silence radio. Mes approches sont désormais bien maîtrisées, j'arrive en finale à la bonne altitude et la bonne vitesse, dans l'axe, avec une pente de descente correcte, et le tout sans avoir à être concentré à 200 %. Quel plaisir de pouvoir enfin se détacher un peu du pilotage, de réellement profiter des sensations que procure le vol, ça donne des ailes, littéralement !


Mes atterrissages ne sont pas trop mal aujourd'hui, mais ils demandent encore un peu de perfectionnement, notamment après le posé des roues. Le DR400 est un avion sécurisant pour un élève pilote, mais il présente une faiblesse non-négligeable, qu'il est indispensable de connaître, et qui nous pousse à la plus grande rigueur au moment de l'atterrissage. Comme beaucoup d'avion à train tricycle, son train avant est orientable avec les palonniers pour améliorer sa maniabilité lors du roulage. Après le décollage, la roulette de nez se bloque automatiquement dans l'axe de l'avion pour éviter que la roue ne soit de travers, ce qui, autrement, augmenterait la traînée et nous ralentirait. Au moment de l'atterrissage, lorsque le poids de l'avion vient à nouveau s'appuyer sur le train avant, un mécanisme est prévu pour débloquer le train avant et permettre de l'orienter avec les palonniers. Toutefois, si l'on ne respecte pas bien la procédure, et notamment si la pression de l'amortisseur avant n'est pas bien réglée, alors on peut se retrouver avec une roulette de nez qui reste verrouillée  !

Ça peut rapidement mener à une sortie de piste, en particulier si on n'a pas posé l'avion pile dans l'axe, avec d'éventuels dommages possibles sur l'appareil, ou sur le balisage de bord de piste. Par chance, le train avant de mon brave DR400 est particulièrement bien ajusté, si bien que ce genre de mésaventure ne s'est jamais produit ! Cela dit, il convient de respecter à la lettre la bonne procédure pour poser le train avant, et réduire ainsi au maximum tout risque de finir dans l'herbe !


Au cours de ces 6 atterrissages successifs, mon instructeur m'incite donc à soigner mon atterrissage jusqu'au bout, en veillant bien à garder le manche vers l'arrière après le toucher du train principal, pour conserver le plus longtemps possible le nez de l'avion en l'air. Il faut être patient, attendre que l'avion bascule de lui-même vers l'avant au fur et à mesure de la décélération. Puis, dès que la roulette de nez touche le bitume, il faut immédiatement ramener le manche en avant. Ainsi, le poids de l'appareil va comprimer l'amortisseur avant et le déverrouiller automatiquement. L'erreur bête serait de garder le manche en arrière, ce qui aurait tendance à soulager l'amortisseur, empêchant ainsi le déverrouillage du mécanisme.


Pour finir, Michel me demande de faire 2 tours de piste basse hauteur par la droite, c'est-à-dire du côté opposé au sens réglementaire que nous pratiquons habituellement à Millau, qui nous impose de manœuvrer à l'ouest de l'aérodrome. Dans le cadre de l'instruction, ou en cas d'urgence, c'est une manœuvre autorisée, qui peut aider à se sortir d'une mauvaise passe. Par exemple, si des nuages bas bloquent la visibilité dans le tour de piste habituel, nous contraignant à passer par la droite.


Mon instructeur me demande de garder une altitude assez basse, pour simuler une météo dégradée, en m'indiquant de contourner l'antenne qui se trouve sur la colline bordant le terrain, avant de rejoindre la finale par un virage continu en descente, sans réaliser d'étape de base. La manœuvre n'est pas évidente, mais je me prends au jeu ! Il faut bien veiller à conserver une vitesse de 150 km/h pendant tout le virage, sans dépasser 10° d'inclinaison pour rester en sécurité, tout en gérant la descente, puis l'alignement avec la piste. La finale est bien plus courte que d'habitude, ce qui demande des gestes précis et rapide, pas facile, mais super formateur ! Et on ne va pas se mentir, c'est même plutôt amusant ! (Ce qui n'exclue pas de rester hyper concentré, et de conserver toutes les précautions habituelles.😉)


En définitive, je n'ai même pas pensé à l'éventualité d'un lâcher aujourd'hui, et de toute façon, j'avais encore clairement besoin de perfectionnement pour poser la roulette de nez correctement ! Il faut aussi que je veille à bien mettre du pied à droite au décollage, pour conserver un vol symétrique (chose que j'ai oubliée à deux reprises aujourd'hui) ! Quoi qu'il en soit, j'ai l'impression d'avoir réellement passé un cap, je me sens beaucoup plus à l'aise, avec un vrai début d'autonomie, et Michel me confirme que j'arrive désormais à bien me détacher du pilotage. Il me propose de refaire un vol dans deux jours, pour éviter de perdre mon niveau, et si tout se passe bien, pour réaliser mon premier vol solo !



8
Vol N°
01h00
Temps de Vol
du Jour
08h13
Total 
Heures de Vol
9
Atterrissages


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