Devenir pilote, c’est souvent une affaire de passion.
C’est cette petite madeleine de Proust qui ne vous a jamais quitté : ce lointain souvenir de votre premier meeting, les mains plaquées sur vos petites oreilles, mi-apeuré et mi-subjugué par ces incroyables machines volantes capables de dessiner des arabesques dans le ciel. Ou peut-être qu’il s’agissait d’un baptême de vol offert pour vos dix ans, ou bien un film iconique dans la veine de Top Gun, que vous avez regardé en boucle une bonne centaine de fois.
Mais voilà, si la passion est un prérequis quasi-indispensable à mes yeux, hélas, elle ne fait pas tout. Comme nous l’avions abordé dans le premier article : La Naissance d’une Passion, je n’ai débuté ma formation de pilote qu’à trente-deux ans, en dépit d’une motivation à toute épreuve depuis ma plus tendre enfance.
La raison principale ? J’avais peur de manquer de financement, et de devoir stopper ma progression au beau milieu de ma formation. Je préfère encore ne rien commencer du tout, que d’être contraint de rester au sol par manque d’argent, alors que mon instructeur me propose d’aller chatouiller les nuages.
Devenir pilote, c’est aussi une question de budget.
De nos jours, les heures de vol en club ne sont pas données, et il faut en faire beaucoup dans un délai relativement court pour réussir sa formation. Une fois breveté en revanche, vous n’êtes pas obligé de voler autant pour conserver votre licence, et vous pouvez vous en sortir pour environ 1800 € par an en club. (Pour comparer, en 2023, la dépense moyenne annuelle d’un fumeur s’élevait à 2484 € !)
Mais alors, devenir pilote ça coûte combien ?
Le montant va sensiblement varier en fonction de nombreux paramètres comme : le type de licence choisie, votre aéroclub, l’avion sur lequel vous allez apprendre, la rapidité de votre progression, etc. Comptez entre 6 000 et 10 000 € et 2-3 ans ! Mais regardons ça ensemble, d’un peu plus près.
1. Le choix de licence :
Depuis 2012, vous avez le choix entre deux licences : le PPL (Licence de Pilote Privé) et la LAPL (Licence de Pilote d’Avion Léger).
Mais comment les différencier ?
Pour rester le plus simple et le plus concis possible, la LAPL est une version réduite du PPL. Elle se destine aux pilotes souhaitant uniquement voler pour le plaisir, sur de petits avions, en vol à vue seulement, et en Europe. Pour tout le reste, le PPL est plus adapté.
Dans les deux cas, vous pouvez exercer la fonction de commandant de bord dans un avion léger sans aucune possibilité de rémunération. L’examen théorique est le même pour les deux licences, et il est valable deux ans après son obtention.
Avec la LAPL, vous pilotez des avions monomoteurs dont le poids ne doit pas excéder 2 tonnes (ce qui est largement suffisant pour piloter la grande majorité des avions présents dans les aéroclubs français). Le nombre de passagers également est limité à 3 (en plus du pilote), et il est possible de voler partout en Europe, ainsi qu’en Suisse.
Point important : le nombre d'heures de vol minimum requis pour une LAPL est de 30h, dont 15 en double commande et 6 en vol solo, comprenant une navigation de 80 NM (environ 150 km) avec au moins 1 aérodrome différents de votre terrain de départ. Le renouvellement de la licence et du certificat médical est aussi un peu plus souple que celui du PPL.
(Dans la pratique, la moyenne est plutôt autour de 40-45h de vol pour réussir une LAPL).
Dans le cas du PPL, la licence est reconnue internationalement dans 193 pays. Vous pouvez passer de nombreuses qualifications supplémentaires comme le vol aux instruments, la voltige, le vol de montagne, les avions multimoteurs, et même devenir instructeur ou examinateur ! Le nombre d'heures de vol minimum requis est de 45h, dont 25 en double commande et 10 en vol solo, comprenant une navigation de 150 NM (environ 270 km) avec au moins 2 aérodromes différents de votre terrain de départ.
(Dans la pratique, la moyenne est plutôt autour de 50-60h de vol pour réussir un PPL).
Pour ma part, j’ai fait le choix du PPL. Mais alors, pourquoi ?
De nombreux pilotes privés en France pourraient tout à fait se contenter d’une LAPL pour leur usage de loisir et ne jamais se sentir limité. D’autant plus qu’il est toujours possible de faire évoluer une LAPL vers un PPL dans un second temps. Seulement, voilà, même si je n’ai pas pour objectif de devenir pilote professionnel, pour moi le PPL reste plus intéressant :
- Sur le papier, l'intérêt principal de la LAPL c’est de demander moins d’heures de vol : 30h au lieu de 45h. Sauf que, pour pouvoir emporter des passagers en LAPL, il faut passer une qualification en justifiant de 10h de vol supplémentaire en tant que CDB (commandant de bord). On retombe donc à 40h de vol minimum pour avoir l’emport passager. Le PPL l’inclut d’office, pour seulement 5h supplémentaires.
- Je ne souhaite pas me fermer de portes pour l’avenir et notamment, même si elle est très lointaine, la perspective d’être instructeur plus tard ne me déplairait pas ! Certes, il me serait possible de faire évoluer une LAPL en PPL dans un second temps, mais il me faudrait alors repasser l’examen théorique… Pas idéal.
- On ne va pas se le cacher, le PPL reste dans l’esprit de tous le “Saint Graal”. L’obtenir revient à passer un “cap”, un petit succès personnel, pour suivre la trace de ceux qui nous ont précédés.
Je ne suis d’ailleurs pas le seul à avoir fait ce choix, il n’y a qu’à regarder les chiffres de la FFA (Fédération Française d’Aéronautique) avec une préférence particulièrement marquée en faveur du PPL : 250 LAPL délivrés en 2023, contre 1693 PPL !
2. Le Choix de l’Aéroclub :
Un facteur déterminant pour votre formation va être le choix de l’aéroclub. Cela va influencer votre capacité de progression : en fonction du nombre d’instructeurs, d’élèves, mais aussi du nombre d'avions disponibles, vous pourrez voler plus ou moins souvent. Le type d’avion utilisé et sa motorisation vont également avoir un impact significatif sur le budget nécessaire. Enfin, il faut aussi prendre en compte la distance avec l’aérodrome, car vous allez faire un paquet d’aller-retours pendant votre formation !
Pour ma part, je vis désormais dans le sud de l’Aveyron, et l’aérodrome le plus proche est celui de Millau-Larzac. Toutefois, je souhaitais explorer plusieurs options, j’en avais retenu 3 :
- l’Aéroclub de Camargue à Candillargues, situé non loin de Montpellier, au bord de l’étang de l’Or. Je connais bien cet aérodrome où j’ai passé une bonne partie de mon enfance, c’est un peu ma madeleine de Proust et j’y attache une grande valeur sentimentale.
Les plus : de nombreux instructeurs, et 4 avions avec différentes motorisations. Un cadre agréable pour le vol local et la possibilité de loger sur place (grâce à des contacts persos). Il était envisageable de m’y rendre régulièrement en concentrant à chaque fois quelques heures de vol.
Les moins : les instructeurs sont rémunérés, donc l’heure de vol en double commande est majorée de 30€/heure.
Sur l’avion le plus abordable du club, un Sonaca S200 à 140€/h, on passe donc à 170€/h. Mais il est très probable que cet avion soit très demandé, et donc peu disponible, en comparaison des autres, dont le coût est largement supérieur.
Coût de la cotisation annuelle du Club : 220 €.
- l’Aéroclub de Montpellier, situé dans l’aéroport de Montpellier Méditerranée. C’est là que mon père a passé son brevet, et ça reste un aéroclub à échelle humaine, malgré sa proximité avec une grande ville. Le cadre de l’aéroport accentue la difficulté initiale de l’apprentissage, mais il est aussi très formateur pour travailler les procédures radio !
Les plus : de nombreux instructeurs, pour la plupart bénévoles, et 3 avions, dont 2 EVEKTOR SportStar de 100cv dont l'intérêt principal est le coût de l’heure de vol de 135€/h (qui passe à 142€/heure en double commande (+12€/h).
Les moins : Je n’ai plus de logement sur Montpellier, et il me faut minimum 1h30 de route pour rejoindre l’aéroclub, voire 2h avec les bouchons fréquents. Louer un AirBnb pour tenter de concentrer les heures de vols aurait un coût significatif.
Coût de la cotisation annuelle du Club : 220 €.
- l’Aéroclub de Millau-Larzac, situé non pas à Millau, mais en réalité à La Cavalerie. C’est là que ma mère a passé son brevet de pilote. À l’époque, c’était un terrain très actif avec du personnel et plusieurs avions au sein de l’aéroclub. Désormais, c’est un aérodrome tranquille, avec un tout petit aéroclub !
Les plus : c’est le terrain le plus proche de chez moi, et j’y ai volé en tant que passager des centaines de fois, je connais la zone alentour comme ma poche. Le cadre pour le vol local est superbe, et on n'est pas tellement embêté par le contrôle aérien, ce qui peut aider en début de formation. C’est un terrain particulier, situé en altitude, avec du relief dans l’axe de la piste. C’est un petit challenge supplémentaire qui est formateur !
Les moins : Il n’y a que deux instructeurs, tous les deux bénévoles et un seul avion : un Robin DR400 de 160cv ! Les chevaux supplémentaires sont bien utiles pour compenser la perte de performance de l’appareil liée à l’altitude du terrain, mais ils augmentent également le tarif : 175€/heure, et 180€/h en double commande !
Coût de la cotisation annuelle du Club : 150 €.
Verdict :
L’Aéroclub de Camargue à Candillargues était tentant, cela dit ce dernier est plutôt demandé et de nombreux élèves se bousculent au portillon. Même si j’aurais pu rester sur place de temps à autre pour essayer de concentrer des heures de vol et rentabiliser le déplacement, il aurait été difficile d’obtenir le seul avion “économique” du club aussi souvent que je l’aurais voulu. Quant aux autres avions, à cause des 30€ supplémentaires liés à la rémunération des instructeurs, le tarif aurait été le même, voire plus élevé qu’à Millau.
Mon choix s’est donc porté sur l’aéroclub de Millau Larzac, afin de réduire au maximum les déplacements, qui à eux seuls m’auraient probablement coûté aussi cher que ce que j’aurai gagné sur le prix de l’heure de vol ! Il y n’y a qu’un seul avion, c’est vrai, mais comme il y a peu d’élèves et peu d'adhérents, sa disponibilité est garantie.
3. Le Rythme de Progression :
En fonction de votre budget, et de vos disponibilités. Reste à voir avec votre instructeur le rythme de progression que vous souhaitez adopter. En moyenne, beaucoup d’élèves partent sur une fréquence d’environ 2 vols par mois, ce qui permet d’envisager de passer le brevet sur deux années de formation. Un bon compromis entre budget et efficacité.
En effet, plus vous espacerez les vols, et plus vous aurez besoin de vous remettre à niveau à chaque fois : votre progression en prendra forcément un coup. Au global, cela finira par vous coûter plus cher, puisque vous aurez besoin d’un plus grand nombre d'heures de vol pour réussir. Mais après tout, l’essentiel reste de réaliser son rêve de gosse, en faisant du mieux qu’on peut !
Pour ma part, comme nous l’avions vu dans le premier article, cela fait des années que je mets de côté pour pouvoir m’offrir une formation plus rapide. Attention toutefois à bien discuter de vos plans avec votre futur instructeur avant toute inscription ! Ce n’est pas parce que vous avez le budget et la disponibilité que vous pourrez voler quand ça vous chante ! La majorité des instructeurs de nos jours sont bénévoles, ils ont parfois de la route pour venir donner un cours, et leur disponibilité ne s’accordera pas toujours avec les vôtres.
Après discussion avec Michel, mon futur instructeur, il m’a donné la possibilité de voler environ une fois par semaine, à condition que la météo soit bonne (ce qui va se révéler plus compliqué que prévu) !
Alors, quel budget au final ?
Dans mon cas, le coût de l’heure de vol n’est pas donné, mais ça reste la meilleure option pour le campagnard que je suis désormais. Avec une moyenne de 4 vols par mois, on tombe sur une dépense de 720€/mois, heureusement que j’ai mis de côté pendant des années, sinon je ne m’en sortirai jamais !
En revanche, ma progression ne devrait en être que meilleure, et je peux espérer être apte à passer mon examen en un peu plus d’une année seulement (si la météo est de mon côté !) Je mise également sur mon expérience aéronautique, et mes heures de vol en planeur, pour me faire gagner un peu et réduire le temps nécessaire à ma formation. Mais ça, rien ne peut le garantir, tant que je n’aurais pas fait mon premier cours… Impossible de savoir si je suis réellement fait pour ça !
Budget total :
Si on part sur la moyenne basse d’une progression standard, soit 50h de vol (45h minimum obligatoire), et qu’on part à la louche sur 35h de vol en double commande à 180€/h, plus 15h de vol solo à 175€/h, on tombe sur un total de 8 925 €. (La douloureuse)
Et il ne faut pas non plus oublier les frais annexes :
- Chaque année, il y a une cotisation du club à payer, 150 € dans mon cas.
- Chaque année, il y a aussi la cotisation de la FFA (Fédération Française d’Aéronautique) qui assure votre activité : 89€.
- La visite médicale de Classe 2 vous coûtera 70€, à renouveler tous les 5 ans (avant 40 ans), 2 ans (après 40 ans), ou tous les ans (après 50 ans) !
- Vous devez acheter un Carnet de Vol (19 €), une planchette de vol (30 €), un rapporteur de déroutement (10 €), le Manuel du Pilote Avion (60€) et probablement un abonnement à des cours et tests en ligne avec AeroGLIGLI (70€/an).
- Quand vous passerez à la partie navigation dans un second temps, on vous demandera également d’acheter des cartes aéronautiques, valables une année seulement !
- NB : le casque de pilote peut souvent être prêté dans la majorité des aéroclubs, évitant son achat immédiat. Comptez au minimum 150-200€ pour un casque correct, 350-450€ pour un bon casque d’aviation que vous pourrez garder à vie (ou presque), et autour de 1 000€ et + pour un casque ANR (avec réduction active du bruit).
Maintenant que le budget est fait, le matériel acheté, et l’inscription auprès du club faite, il ne reste plus qu’à faire connaissance avec mon instructeur, et commencer ma première leçon de pilotage.